Dans l’océan, il y a des vagues puissantes et rugissantes et des vagues douces et paisibles. Il en est de même en nous, de fortes émotions se déchaînent, comme la colère, le désir, la jalousie. Le vrai pratiquant les reconnaît, non comme des perturbations ou des obstacles, mais comme de gran­des opportunités. Lorsque nous réagissons à ces émotions avec nos tendances habituelles d’attache­ment et d’aversion, c’est un signe que nous sommes non seulement distraits, mais que nous n’avons pas compris rigpa*, la vraie nature de notre esprit. Réagir aux émotions leur donne du pouvoir, et nous lie encore plus solidement aux chaînes de l’illusion.

Le grand secret du dzogchen* est de voir à travers nos émotions dès qu’elles surgissent. Voir ce qu’elles sont vraiment : les manifestations vivantes et électriques de l’énergie de rigpa. Lorsque nous maîtriserons cette pratique, même les émotions les plus turbulentes ne pourront plus s’emparer de nous, et elles se dissoudront spontanément, comme les grosses vagues, qui se dressent, menaçantes, avant de disparaître dans les profondeurs calmes de l’océan.

La nature de l’esprit, rigpa, est la source même de toute compréhension, la conscience claire, primordiale, pure, originelle ; elle est à la fois intelligence, discernement, rayonnement et éveil constant. On pourrait dire qu’elle est la connaissance de la connaissance elle-même. Par opposition à l’esprit ordinaire, sem en tibétain. 

(Texte inspiré par un enseignement de Sogyal Rinpoché)

* Rigpa (tibétain) est un terme utilisé dans le dzogchen pour désigner la nature de l’esprit : la cons­cience éveillée ou la pure présence.

* Dzogchen (tibétain) : littér. la grande perfection. Doctrine de l’école nyingma du bouddhisme tibétain, introduite au Tibet au huitième siècle par Padmasambhava. Ses adeptes considèrent le dzogchen comme un enseignement secret du Bouddha et comme le niveau suprême de tous les enseignements bouddhiques.

10 avril 2003, Chiang Mai