La nature ultime
La vraie technique, c’est quand on abandonne toute technique, qu’on ne fait rien, qu’on laisse les choses s’occuper d’elles-mêmes. On ne peut même pas dire qu’on est assis, on abandonne toutes les postures. Si le corps a toujours une forme, l’esprit n’a ni forme ni posture quand il n’est attaché à rien. Postures, techniques, ne sont que des mots, des concepts, et donc des limitations ; le zen lui-même est un mot, un concept et une limitation. Vouloir exprimer la voie, la vue, la réalité, est un attachement, un désir de fixer une expérience, un moment insaisissable. C’est transformer en concept, rendre permanent et donc limité, le potentiel infini de la vie, dont le changement et le mouvement incessants permettent toutes les possibilités et toutes les variétés. Cette constante impermanence révèle la vacuité de toute substance, de toute entité inhérente. C’est la nature ultime de toutes choses, insaisissable, mais indissociable de leurs apparences. Elle bouge avec elles tout en restant immuable, elle existe en elles en étant dépourvue d’existence propre, elle épouse leurs formes sans avoir de forme, elle leur donne un nom sans avoir de nom, elle les éclaire de mille couleurs sans avoir de couleur, elle module leurs chants en étant parfaitement muette, elle contient leurs innombrables caractéristiques sans avoir de caractéristique, elle recèle toutes les connaissances en étant vide de concept, elle distingue les opposés en étant parfaitement non duelle…
1er mai 1992, Hosshin-ji (Japon), lors d’une sesshin zen