GRAINES DE SAGESSE

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Terre, eau et air

836 Graines de lumière

836 Graines de lumière

Il y a une superbe lumière ce soir, la mer est bleu foncé, une petite brise se lève. Ce qui change de la montagne, c’est la présence de l’eau, et le fait que l’espace libre ne soit qu’en haut, alors qu’à la montagne, il est en haut et en bas. Au bord de la mer, on est plus près du centre de la terre, soumis à une gravité et une pression atmosphérique plus fortes, ce que le corps doit nécessairement ressentir. Ici, on ne peut pas aller plus bas, on est à la base du monde émergé. À la montagne, on est comme suspendu entre deux airs, on se sent plus léger, dans un air plus ténu, et moins bien accroché à la terre. Ici, on est à la limite de trois mondes : terre, eau et air, ou solide, liquide et gazeux ; et à l’intersection de deux plans : le plan de la surface de l’eau (qui pour les poissons est la surface de l’air), et le plan de la surface de la terre (qui pour un ver de terre est la surface de l’eau ou la surface de l’air). 

Il ne faut pas oublier que cette surface d’eau est une surface sphérique, qui parcourt tout le tour de la terre ; que la surface de la terre plonge dans la profondeur des mers et s’élève dans les airs ; que le contour précis de son intersection avec la surface de l’eau donne leurs formes aux îles et aux continents ; et que tout cela est entouré de cette large couche d’air qui nous paraît bleue et se confond avec le vide interstellaire. Et sur la terre et dans l’eau, entre des altitudes maximums et minimums variables selon les latitudes, il y a la vie organique. Cette mince couche grouillante et changeante, si fragile, semble dépendre de l’équilibre des masses immenses d’eau, de terre et d’air pour subsister, se reproduire et évoluer, tout en se suffisant à elle-même. C’est ce qui expliquerait, selon Ouspensky, que les êtres vivants s’entredévorent.

Il semble aussi que si l’équilibre des contingences cosmiques et matérielles ont permis la création de cette vie et continuent de tolérer sa subsistance, en contrepartie, son existence doit participer à l’équilibre des forces de l’univers. Peut-être sert-elle, comme le prétend Ouspensky, à nourrir la lune ? C’est une théorie qui n’est pas encore très claire dans mon esprit… 

La lune ne va pas tarder à apparaître derrière mon dos, car c’est bientôt la pleine lune. La mer et le ciel sont jaunes, séparés seulement par la mince ligne noire du récif et la fine bande de mer qui la sépare de l’horizon. Des feux s’allument sur la plage, des enfants chantent au son de la guitare et une pirogue traverse lentement le lagon devant Moorea, bien sombre sous son chapeau de nuages.

 

27 octobre 1985, Faaa (Tahiti)

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