Existence des phénomènes
L’existence des choses dépend-elle de nous, de l’observateur ? Par exemple de notre croyance à leur existence (dans le cas des esprits et autres superstitions) ? Les choses peuvent-elles exister indépendamment de l’observateur ? Ou ne sont-elles que des potentialités (comme les particules en physique) ? La vacuité existerait alors d’une façon absolue et objective, mais les phénomènes, les manifestations, les objets, les êtres… n’existeraient que d’une façon relative et subjective. Les potentialités contenues dans l’absolu, dans la vacuité, seraient infinies, mais le champ de leurs manifestations serait limité (du moins dans la dimension matérielle de l’espace-temps). Le champ de leurs manifestations me semble déjà plus vaste dans la dimension de l’imagination. Mais dans quelle mesure peut-on dire que quelque chose qui existe dans l’imagination d’un être existe ? La manifestation matérielle n’est pas la seule forme d’existence. Il semble que des idées abstraites se manifestent spontanément (souvent simultanément, et dans certaines conditions) chez plusieurs ou même de nombreux êtres (inventions, idées créatives, désirs, psychoses collectives…), et cela sans aucune transmission directe au niveau matériel !
Les croyances, idées, pensées, imaginations, etc. sont des objets mentaux perceptibles seulement par le sens de l’esprit, par opposition aux objets matériels perceptibles par les cinq autres sens. Les objets mentaux sont-ils ce qu’on nomme les concepts ? Ou y a-t-il une différence entre les deux ? Les concepts ne sont-ils qu’une certaine sorte d’objets mentaux ? En tout cas, il semble bien que la notion de concept ressemble à un objet, à une entité composée et conditionnée perceptible par notre esprit. Le problème de la permanence ou de l’impermanence des concepts me semble une notion subjective et relative. Si l’idée d’impermanence est assez claire au niveau des objets matériels, elle l’est moins au niveau des objets mentaux abstraits. Tous les objets matériels disparaissent, meurent, se désintègrent à un certain moment, et se transforment constamment au niveau des particules qui les constituent. Mais ce n’est peut-être pas le cas des objets mentaux, idées ou concepts, qui se transmettent et se mémorisent par divers moyens de communication et de mémoire naturels (inconscient collectif, sagesse cosmique, archétypes, omniscience, etc.) ou artificiels (livres, informatique, œuvres d’art, transmission orale, symboles, etc.), et existeront d’une façon plus ou moins permanente tant qu’une forme d’esprit ou de conscience existera, et que son flux ininterrompu transmettra le programme et la mémoire de l’intelligence cosmique.
26 juillet 1992, Paris